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"Tout est langage", Françoise Dolto, ed. Gallimard, 1994.

Updated: Aug 28, 2018


Source: photo prise par l'auteur du blog


L'ouvrage Tout est langage, de Françoise Dolto, est la transcription écrite de l'une des conférences de la très célèbre psychanalyste du 20ème siècle. L'objectif de l'édition est de proposer une retranscription la plus fidèle possible de la conférence, elle laisse donc apparaître les questions des participants et les réponses de F. Dolto de façon assez

spontanée et oralisée.


La révolution que le travail de F. Dolto a engendré dans le domaine de l'éducation n'est plus à prouver, elle fait même partie de chaque individu qui a grandi dans la nouvelle vision de l'éducation et de l'approche de l'enfant qui a suivi ses découvertes. Mais l'ouvrage présenté ici permet de mieux comprendre, dans le détail et de façon théorique, certaines grandes lignes des théories et des faits scientifiques exposés par F. Dolto. Du fait de son accessibilité en terme de langage, Tout est langage n'est pas seulement destiné à des spécialistes de la psychanalyse. L'ouvrage s'adresse, au contraire, à tout ceux et toutes celles qui sont dans une démarche éducative ou de prise en charge de l'enfant et de l'adolescent.


F. Dolto y aborde le rapport de l'enfant à son environnement dans les premières années de sa vie, l'énurésie (fait de faire "pipi au lit"), les étapes du développement psychologique de l'enfant et de l'adolescent, et surtout, le rôle du langage et du "parler vrai" entre adulte et enfant dans l'évolution saine et heureuse de ces derniers. Car c'est autour de cette notion que tourne toute la conférence. Pour F. Dolto, il est impératif de dire les choses de façon transparentes, honnêtes et adaptées aux enfants et aux adolescents. Elle donne notamment plusieurs exemples de cas "cliniques" où le manque de parole de la part des adultes (soit le fait de cacher quelque chose à l'enfant ou de le lui dire de façon erronée) a provoqué des troubles physiques et/ou psychologiques chez des enfants et des adolescents. Un autre de ses combats est celui pour l'autonomie de l'enfant. Elle rejoint ainsi Maria Montessori dans l'importance qu'elle accorde au développement de l'autonomie de l'enfant qui passe, selon elle, par une forme de "laisser-faire". En effet, F. Dolto explique qu'à force de tout faire, de tout résoudre pour les enfants, les adultes ne leur permettent pas de faire leurs expériences, de se tromper et donc de prendre leurs responsabilités pour aller de plus en plus loin dans l'accès à l'autonomie qui se fait de façon graduelle et progressive. Elle va jusqu'à prôner l'acceptation de la désobéissance dans certains cas. Cependant, elle n'encourage jamais le laxisme et, au même titre que Paulo Freire, elle défend une éducation dans l'équilibre entre autorité et liberté.

F. Dolto, comme tout psychanalyste, parle évidemment beaucoup de désir et notamment du désir chez l'enfant. Elle explique, par exemple, que l'enfant à tendance à confondre ses désirs avec ses besoins (elle donne l'exemple de l'enfant qui "veut" un bonbon avec la même intensité que si c'était un besoin vital) et que c'est le rôle de l'adulte, par la parole juste et vraie, de lui faire comprendre que ce n'est pas un besoin mais un désir et que tous les désir de doivent et/ou ne peuvent être assouvis:


"Le besoin est répétitif, le désir est toujours du nouveau, et c'est pour cela que, dans l'éducation, nous devons veiller à ne pas satisfaire tous les désirs. Mais toujours en paroles justifier le sujet de dire ses désirs et ne pas l'en dissuader ni critiquer. Les besoins, oui, les satisfaire; les désirs, les parler beaucoup." (p60 de l'édition en question)


F. Dolto aborde aussi le thème du désir que l'adulte projette ou transfert sur l'enfant. Elle explique que l'adulte, qui ressent de la frustration par rapport à ses désirs, ne doit pas projeter ceux-ci sur l'enfant. Elle donne l'exemple des parents qui auraient aimé apprendre et pratiquer un instrument dans leur jeunesse et qui, frustrés, imposent à leurs enfants d'apprendre cette instrument même si ceux-ci ne le souhaitent pas. F. Dolto explique donc que le désir de l'adulte ne peut pas devenir un besoin de l'enfant. Un autre exemple est celui des parents qui veulent que leurs enfants soient propres aux moment où ils l'entendent (ou que leurs enfants mangent aux moments où ils - les parents- l'ont décidé).

F. Dolto explique que l'enfant va généralement devenir propre de lui-même, à son rythme, et sans que les parents aient à l'éduquer sur ce point. Elle avance même que les parents, qui projettent leur désir de propreté sur leur enfant, et le transforme en besoin pour ce dernier, peuvent créer des retards affectifs, cognitifs et/ou emotionnels chez l'enfant.


Tout est langage est donc, à mon sens, un ouvrage que tout éducateur/trice devrait lire pour sa formation personnelle et pluridisciplinaire. Il permet, dans la mesure de certaines limites, de mieux comprendre comment certains de nos agissements (en tant qu'adultes), de nos paroles, ou de nos silences et non-dits, influencent l'évolution de l'enfant de façon

positive ou négative.

F. Dolto met aussi en lumière le fait que les premières années de la vie "aérienne" (voir de la vie fœtale) sont pleines d'enjeux quant au développement sain de l'individu, et que c'est à l'adulte de se rendre à la hauteur de ces enjeux pour permettre à l'enfant de s'épanouir en grandissant.


Il ne faut cependant pas s'attendre à un mode d'emploi ou à un ouvrage rédigé comme un article scientifique. Et c'est pourquoi, il me semble important, en lisant Tout est langage, de prendre du recul autant par rapport à la forme que par rapport au fond. En effet, ce qu'on y lit est la retranscription des paroles d'un individu à un moment donné et dans un contexte socio-culturel précis. Il faut donc séparer les exemples de cas "cliniques" et les observations scientifiques du médecin et de la psychanalyste (qui sont en lien avec une démarche scientifique empreinte d'objectivité, même si les théories de la psychanalyse peuvent être critiquées et contredites), et des remarques qui peuvent sembler plus du domaine de l'opinion ou de l'idéologie de l'individu. Par exemple, F. Dolto ne semble pas admettre l'homosexualité comme un fait naturel, mais plutôt une déviance dû à une trop grande proximité entre la mère et son fils (noter aussi que l'homosexualité pour les femmes est totalement omis). De même, la place de l'homme et de la femme dans la famille est très ancrée dans le modèle de la première partie du 20ème siècle. F. Dolto dit notamment que "dès huit, neuf ans, une fille peut apprendre à tout faire dans une maison. (...) si le père a pu armer son fils - qu'il sache laver les carreaux, bricoler, briquer le sol, faire les courses, etc.".


Pour terminer, le travail de F. Dolto a permis de grandes évolutions dans le domaine de l'éducation et a changé la vie d'un grand nombre d'individus (adultes et enfants). Tout est langage retrace une petite partie de son travail long et complexe. Néanmoins, il apporte une vision globale (bien que très résumée) de l'oeuvre de la psychanalyste. Cela ne signifie pas, cependant, que l'on ne doit pas le lire avec un regard critique et la conviction que tout n'est pas à prendre au pied de la lettre et pour vérité vraie ou immuable. Mais cela vaut pour n'importe quel ouvrage et n'importe quelle parole. À chacun(e), donc, de prendre ce qui lui est utile et ce qui lui semble juste, tant que cela sert l'intérêt, le bien-être et le bonheur de

l'enfant et de l'adolescent.


Un lien très intéressant pour mieux comprendre le personnage de F. Dolto et sa complexité (et donc, avoir un regard plus distancié et éclairé sur son oeuvre):



Bonne lecture!

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